Il s’agissait d’une de ces longues soirées d’hiver au cours desquelles les villageois se racontent des histoires et des contes pendant les veillées autour du feu.
Tout le village était rassemblé dans la salle commune, en effet, un conteur était là, et c’est un évènement rare pour un village si isolé…
Le conteur était un homme. On distinguait à peine son visage, masqué par de profondes rides, -presque des cicatrices- sa longue barbe et la capuche de son aube qu’il ne semblait pas vouloir rabattre. Il était attablé devant la cheminée, et tenait dans ses mains une profonde choppe. Il se racla la gorge et commença :
Ce soir, je vais vous compter la mystérieuse histoire du village d'Ovia! Méfiez-vous, car il existe une multitude de récits liés à Ovia, et toutes ne sont pas forcément vraies ! Les temps ont passé et l’histoire comme les faits ont pu être modifié et réécrit...
Ce à quoi il ajouta en souriant…
Mais je tiens ce que je vais vous raconter de source sûre…
L’histoire débuta…
Il existait un minuscule village perdu au fin fond d’une terre inhospitalière, encore plus isolé que le votre ! Ses habitants l’appelaient juste « le village », puisque rien d’autre n’existait pour eux. Les voyageurs l'appelaient Ovia.
C’était un village de fermiers, un village de chasseurs, un village de cueilleurs ; bref un village sans grande distraction. Un village où les enfants s'ennuient...
Ovia comptait une seule chose d’étrange, il s’agissait de Seul. C’était un ermite, le gars, un vrai de vrai ! Il passait son temps dans une grotte, pas loin du village.
On raconte plein de choses sur Seul ! On dit qu’il savait faire des poisons foudroyants avec des plantes, les pires que des hommes aient jamais vus ! On dit aussi qu’il savait parler aux animaux ou même qu’il faisait… de la magie !
Le vieil homme s’interrompit quelques instants…
Je vois que vous réagissez vous aussi comme les habitants d'Ovia… Ils craignaient la magie eux aussi, et s’éloignaient de tout ce qui aurait pu s’en rapprocher !
Nouvelle pause
Une seule personne lui rendait visite. Il s’agissait d’une jeune fille toute juste sortie de l’enfance. Et elle avait du caractère, la gamine ! Elle n’en laissait aucun lui dire ce qu’elle devait faire ou ne pas faire; et elle n’écoutait presque personne…
Remarque, c’est pas étonnant avec son ivrogne de père et une mère qui les a abandonnés à sa naissance. Elle savait pas ce que c’était que la confiance; ça on peut le dire !
Le conteur étouffa un petit rire, il semblait perdu dans ses souvenirs, comme s’il se remémorait son passé… Puis il se ressaisit.
On peut même dire que Seul était son unique ami.
Puis, quelques années passèrent, et la petite devint… hé bien, un peu bizarre, au milieu de tous ces fermiers… Les changements s’opéraient lentement, petites touches par petites touches, si bien que ceux qui la côtoyaient tous les jours ne virent rien.
Le ton du conteur était devenu plus grave lorsqu’il reprit.
Un jour, un chasseur qui n’était pas revenu depuis plusieurs mois chez lui, constata que la gamine avait beaucoup changé par rapport à ses souvenirs. Il s’en ouvrit au reste du village.
Et son peuple aussi commença à la craindre et à l’éviter…
Un soir, des éclats de voix attirèrent l’attention des habitants. Ils provenaient de la maison de la fillette et son père. Lorsque des bruits de coups et des pleurs se firent entendre, il était clair qu’une dispute y avait éclatée…
La môme sortit de chez elle, blessée et meurtrie puis partit en courant se cacher dans les montagnes.
Lorsque son père sortit à son tour, il hurla sa haine contre celui qui avait "pervertit" sa fille, et monta contre Seul la foule qui s’était assemblée devant sa porte.
Il les mena alors à la grotte de Seul. Une fois sur les lieux, le pauvre homme fut la cible de la vindicte de la foule. Ils le lapidèrent puis finirent par le bruler vif...
enfin, aussi vif qu’un ermite peut l’être après s’être fait lapider
Le conteur s’interrompit… Sa choppe était vide… il n’en commanda pas d’autre, cela signifiait qu’il ne tarderait pas à conclure.
Quand il reprit, sa voix avait des tonalités mystérieuses...
C’est à partir d’ici que commence le mystère… Ce que je vous ai conté, ce sont les dernières nouvelles que nous ayons reçues du Village.
Quelques temps plus tard, un marchand ambulant a trouvé tous les habitants d'Ovia sans vie.
A c’qu’on raconte, les cadavres étaient difformes et tordus, les visages des masques de haine et de douleur, comme s’ils étaient tous morts dans d’horribles souffrances…
Le conteur laissa le temps à son auditoire de se reprendre…
Pour certains, ce serait l’ermite qui serait revenu d’entre les morts pour se venger…
Ah ; j’allais oublier, la petite !
Un seul corps parmi ceux de tous les habitants n’a jamais été retrouvé… Celui de celle qui fréquentait Seul…
Sar qu’elle s’appelait !
Là-dessus, le conteur se leva, leur souhaita bonne nuit et sortit de l’auberge. Il gagna la grange où on l’avait autorisé à passer la nuit.
Lorsque les villageois se réveillèrent, il était déjà repartit…
Sujet: Le mystère d'Ovia 
Mar 8 Mai - 15:15
